La France impose un nouveau régime réglementaire aux fournisseurs de services d’actifs numériques cherchant à accéder au marché français

Le 28 février 2023, le Parlement français a adopté une nouvelle législation qui modifie le cadre réglementaire applicable aux fournisseurs de services d’actifs numériques basés en France ou qui fournissent des services en France.

Les services couverts par la nouvelle loi française comprendraient les services financiers rendus en rapport avec des actifs numériques pour le compte de tiers, y compris (i) la garde d’actifs numériques ; (ii) l’achat ou la vente d’actifs numériques ayant cours légal ; (iii) échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques ; et (iv) l’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques.

Ces services peuvent actuellement être fournis en vertu de l’un des deux régimes réglementaires établis par la loi française : (i) l’enregistrement obligatoire ou (ii) une licence facultative, laquelle licence facultative offre plus d’assurances aux investisseurs.

La nouvelle législation établit un troisième régime réglementaire applicable aux fournisseurs de services d’actifs numériques, qui chevauche considérablement celui d’un fournisseur de services d’actifs numériques agréé et est appelé « enregistrement renforcé ».

L’adoption de cette loi démontre l’intention du législateur d’intervenir pour protéger les investisseurs français en cryptographie après l’effondrement d’importantes sociétés de cryptographie au cours des derniers mois, et de permettre aux régulateurs d’exercer une surveillance plus stricte du secteur en attendant l’entrée en vigueur de la MiCA.

MiCA signifie Markets in Crypto Assets, un règlement européen complet qui fournit un cadre harmonisé pour la réglementation des services basés sur les actifs numériques en Europe. Le règlement, dont l’approbation est prévue pour avril 2023, sera directement applicable aux États membres 18 mois après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne (qui constitue la date d’entrée en vigueur du MiCA).

Panorama du cadre réglementaire français existant

La loi PACTE, promulguée en mai 2019, a établi un cadre réglementaire complet pour les actifs numériques en France grâce à la création de régimes juridiques dédiés aux offres initiales de pièces et à certains services liés aux actifs numériques (prestataires de services d’actifs numériques – « DASP » ou  » PSAN » en français).

La loi prévoit deux niveaux de réglementation :

Une inscription obligatoire pour la fourniture de tout ou partie des quatre services décrits au deuxième alinéa ci-dessus.

Pour immatriculer une entité en tant que DASP, les régulateurs français effectuent une due diligence sur les points suivants :

  • L’honorabilité et la compétence des administrateurs et des bénéficiaires effectifs du demandeur, qui comprennent une évaluation de l’adéquation de leur expérience académique et professionnelle par rapport aux services à fournir par l’entité ainsi qu’un examen de tout casier judiciaire qu’ils pourraient avoir ; et
  • Politiques et procédures anti-blanchiment d’argent et anti-terrorisme du demandeur

Une licence facultative, qui peut être utilisée en lieu et place de l’enregistrement obligatoire pour la fourniture des quatre services visés au deuxième alinéa ci-dessus, ainsi que pour la fourniture des services suivants pour le compte de tiers : (i) la réception et la transmission de commandes d’actifs numériques ; (ii) la gestion de portefeuilles d’actifs numériques ; (iii) conseils aux investisseurs en matière d’actifs numériques ; (iv) souscriptions d’actifs numériques ; et (v) le placement des actifs numériques.

Afin d’obtenir une licence DASP, le demandeur doit non seulement satisfaire aux exigences nécessaires pour obtenir l’enregistrement obligatoire, mais doit également avoir (a) une assurance responsabilité professionnelle ou un minimum de fonds propres dans des montants spécifiés ; (b) au moins un administrateur effectif ; (c) des ressources humaines et techniques suffisantes ; (d) des systèmes informatiques résilients ; (e) un système de contrôle interne; (f) les procédures de traitement des plaintes ; et (g) procédures et politiques visant à prévenir les conflits d’intérêts. La licence facultative permet à ses titulaires de se livrer à des pratiques de marketing et de démarchage en France, ce qui est par ailleurs interdit aux DASP immatriculés.

Les exigences pour opérer sous la licence optionnelle DASP sont sensiblement similaires à celles qui seront requises une fois que le règlement MiCA entrera en vigueur.

Être agréé en tant que DASP devrait accélérer le processus d’obtention du Licence MiCA et le passeport européen qui en découle, qui permettra aux entreprises de fournir leurs services dans tous les États membres avec une licence unique.

La mise en place d’un troisième régime réglementaire, l’enregistrement renforcé, à partir de janvier 2024

Le nouveau statut d’enregistrement renforcé deviendra obligatoire à compter du 1er janvier 2024. Cependant, les demandes d’enregistrement obligatoire à la DASP ne seront plus traitées à partir du 1er juillet 2023.

Ainsi, trois régimes coexisteront en France :

  1. DASP à enregistrement obligatoire accordé avant le 1er janvier 2024
  2. Les DASP à enregistrement renforcé dont la demande soit (i) a été déposée après le 1er juillet 2023, soit (ii) résulte de la conversion d’un dossier de demande d’inscription obligatoire en DASP déposé avant le 1er juillet 2023, mais que les régulateurs français ont jugé incomplète et donc convertie en immatriculation renforcée ; et
  3. DASP sous licence (c’est-à-dire les DASP qui ont obtenu la « licence facultative »)

L’échéance de juillet 2023 implique qu’il est indispensable pour les entreprises souhaitant obtenir une simple inscription de déposer un dossier complet dans ce but avant le 1er juillet 2023.

Les conditions d’obtention de l’enregistrement renforcé sont en substance analogues à celles requises dans le cadre du statut facultatif de DASP agréé à l’exception des exigences prudentielles applicables aux DASP agréés, selon lesquelles les DASP agréés doivent alternativement disposer d’un certain montant de capital ou d’un professionnel police d’assurance responsabilité civile offrant 400 000 € de garantie par sinistre et 800 000 € de garantie par année d’assurance.

Les similitudes entre la licence facultative et l’enregistrement renforcé amènent à s’interroger sur l’intérêt de solliciter ce dernier statut, d’autant plus que les DASP bénéficiant d’un enregistrement renforcé ne seront pas autorisées à prospecter le marché français ni à mener un certain nombre de stratégies de marketing ou de parrainage qui permettre aux entreprises de construire leur visibilité en France, ce que seuls les DASP licenciés peuvent faire.

Des pouvoirs accrus accordés au régulateur

Par ailleurs, il convient de noter que l’Autorité des marchés financiers (AMF) se verra attribuer de nouveaux pouvoirs en vertu desquels le régulateur pourra prendre des mesures de protection spécifiques à l’égard d’un DASP fournissant les services soumis à enregistrement obligatoire (et énumérés ci-dessus ) lorsque ce dernier « représente une menace grave et imminente pour la stabilité du marché des actifs numériques ».

En conséquence, l’AMF peut décider, après avis de l’Autorité de Contrôle Prudentiel ou ACPR, de suspendre l’immatriculation de la DASP, et donc la capacité de l’entreprise immatriculée à fournir ses services en France.

Conclusion

Les entreprises envisageant de fournir des services basés sur les actifs numériques en France sont invitées à définir leur stratégie compte tenu à la fois des récentes évolutions législatives et de l’entrée en vigueur prochaine de la MiCA.

Après le 1er juillet 2023, si l’intérêt de demander une inscription renforcée peut être débattu, il peut être préférable pour les entreprises disposant du capital requis ou d’une assurance responsabilité civile professionnelle de demander directement une licence DASP, qu’elles convertiront ensuite en licence MiCA .

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