Étudiants chinois en France : une expérience mitigée
La mondialisation a déclenché une croissance remarquable du nombre d’étudiants internationaux s’inscrivant dans des établissements en dehors de leur pays d’origine. La Chine n’est pas exclue, et en effet son économie en croissance et une classe moyenne en pleine expansion, ainsi que la prime attachée à une éducation de qualité dans sa culture, ont progressivement fait des étudiants chinois l’un des plus grands groupes d’étrangers dans les universités américaines, australiennes et européennes.
Au fil des ans, les étudiants chinois ont commencé à voir l’opportunité d’étudier à l’étranger comme un moyen efficace d’accéder à une gamme de ressources culturelles et sociales considérées comme essentielles pour augmenter leurs futures options d’emploi et de vie.
Bien qu’il soit généralement avancé qu’une expérience d’éducation internationale et une exposition régulière à un environnement éducatif, social et professionnel alternatif pourraient offrir aux étudiants des opportunités d’élargir et d’approfondir leurs visions et leurs perceptions du monde, et d’utiliser le capital culturel acquis grâce à la mobilité internationale pour accroître leur employabilité sur le marché mondial du travail, la vie des étudiants chinois en France ne répond pas forcément à ces attentes.
Les expériences des étudiants chinois en France sont cruciales pour déterminer si leur exposition à un environnement international et à un système éducatif sensiblement différent de celui auquel ils sont habitués peut effectivement influencer la manière dont ils accèdent et comprennent les valeurs locales, le système éducatif, le débat académique. et la couverture médiatique.
Partout où les étudiants choisissent de vivre à l’étranger, ils doivent naviguer entre différents systèmes de référence et exigences normatives pour résoudre les contradictions rencontrées dans de nouveaux environnements.
La réflexion les aide inévitablement à porter des jugements de valeur, tels que dans quel environnement ils préfèrent vivre et comment ils aspirent à démarrer leur carrière sur la base d’une évaluation personnelle sur les valeurs, le sentiment d’appartenance, les systèmes politiques, les normes sociales, les rendements économiques et les ambitions personnelles.
Des études ont montré que l’exposition à des valeurs et à des systèmes alternatifs renforce parfois l’identité des élèves plutôt que de favoriser leur intégration dans la nouvelle société.
Les études sur l’expérience des étudiants russes en Suisse ont questionné la dynamique difficile qui caractérise l’expérience des étudiants internationaux venant de pays « controversés » dans les écoles européennes. Ce qui a été confirmé jusqu’à présent, c’est que les liens entre les nouveaux étudiants et les anciens étudiants sont particulièrement forts et contribuent à renforcer l’enracinement des étudiants russes en Suisse, ces derniers entretenant généralement des liens solides avec leur école.
Aussi, les alumni russes en Suisse ont manifesté un intérêt manifeste pour le renforcement des réseaux transnationaux avec de jeunes entrepreneurs russes désireux d’investir ou de s’installer en Suisse, se transformant progressivement à cheval entre deux systèmes de statuts et deux espaces de positions sociales : le national et le un tournant autour de la communauté internationale des anciens.
Ancrés dans cette dichotomie, ils créent ce que Caroline Bertron, docteure en philosophie à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis, appelle un « inter-soi des expatriés temporaires », fondé sur l’origine nationale des étudiants et leurs liens grandissants dans le pays d’accueil. .
Des tendances similaires peuvent être identifiées au sein des communautés étudiantes chinoises, en particulier dans leur attitude récurrente consistant à créer leurs propres réseaux d’étudiants et à développer des connexions transnationales.
De plus, les recherches sur les étudiants chinois suggèrent que même si l’expérience à l’étranger a tendance à être perçue comme principalement positive, étudier à l’étranger ne garantit pas nécessairement la réussite professionnelle comme de nombreux étudiants s’y attendent généralement. En effet, au-delà des défis que les étudiants peuvent rencontrer tout au long de leurs expériences d’études internationales, les avantages en termes de capital de mobilité accru découlant des mêmes expériences continuent d’être considérés comme bien supérieurs aux coûts.
Une autre source d’inadéquation entre les attentes et la réalité est la valeur d’un diplôme international. Dans un article traitant du paradoxe de la mobilité des étudiants chinois en France, Li Yong, chercheur à l’Université de Rouen, souligne l’évolution la plus récente de la perception par les étudiants chinois de la valeur de leur diplôme français à leur retour en Chine.
Un diplôme autrefois perçu comme un avantage sur le marché du travail chinois est devenu un titre « neutre », voire un inconvénient. En effet, alors que la qualité de l’éducation des étudiants restés en Chine s’est progressivement améliorée et que la plupart d’entre eux ont déjà trouvé un moyen d’entrer sur le marché du travail chinois, les étudiants chinois revenant de France ont rarement l’expérience professionnelle pertinente à ajouter à leur programme d’études.
Selon Li, après avoir vu leurs pairs compter déjà sur une position assez élevée et stable après avoir terminé leurs études en Chine, les étudiants de retour retournent de plus en plus souvent en France en comptant sur une compétitivité présumée plus élevée sur le marché du travail du pays où ils ont terminé leurs études.
Au fil des ans, les stratégies de mobilité ont été profondément affectées par l’évolution rapide que le marché du travail chinois a récemment connue. La « banalisation des choses étrangères » dans le cadre de la modernisation en cours de la Chine, associée à la dévaluation des diplômes occidentaux, a créé de nouvelles sources d’inquiétude supplémentaires parmi les étudiants chinois inscrits dans les établissements français.
Le dynamisme initial et l’intention ne sont pas les seuls facteurs affectant les décisions professionnelles et de vie des étudiants chinois. Ceux qui se sont installés en France ces dernières années ont tendance à se retrouver « figés » dans un moment de vie précis, incapables de s’installer avec quelqu’un, sans revenu personnel et stable pour subvenir à leurs besoins, et cette situation peut les pousser à se sentir de plus en plus sous pression vis-à-vis de leurs familles et de leurs pairs restés en Chine.
Cette condition, associée à la connaissance généralisée des réalisations professionnelles de leurs pairs, peut expliquer certains des changements qui caractérisent les choix professionnels des étudiants.
Enfin, la recherche a également confirmé que l’éducation internationale n’ouvre pas toujours de nouvelles opportunités économiques pour les étudiants chinois. Rejetant l’hypothèse selon laquelle la mobilité internationale n’apporte que des conséquences positives, il apparaît que le capital de mobilité tiré de l’éducation internationale ne peut pas être pleinement traduit en compétitivité et en compétences sur le marché du travail international.
D’une part, l’objectif de compétitivité ne peut être tenu pour acquis car la valeur réelle de ces mobilités est parfois surestimée. D’autre part, la volonté subjective d’utiliser le capital de mobilité sur le marché du travail mondial est limitée par la motivation à rester et travailler à l’étranger ainsi que par le degré d’intégration dans la communauté locale. Cela pousse de plus en plus d’étudiants chinois qui terminent leurs études à l’étranger à retourner en Chine juste après l’obtention de leur diplôme pour se construire une carrière plus épanouissante dans leur pays d’origine.
(L’auteur est un chercheur indépendant basé à Paris.)