Le Kenya attend avec impatience le verdict de la Cour suprême sur les élections
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Nairobi (AFP) Les Kényans attendaient avec impatience une décision de la Cour suprême lundi sur les pétitions contestant le résultat de l’élection présidentielle d’août, avec des semaines d’incertitude politique imminentes si le scrutin est annulé.
Le vice-président William Ruto a été déclaré vainqueur de la course très disputée, remportant la victoire avec une marge étroite de moins de deux points de pourcentage contre Raila Odinga, un politicien vétéran de l’opposition désormais soutenu par le parti au pouvoir.
Odinga a déposé une requête auprès de la plus haute cour du Kenya le mois dernier, alléguant une fraude dans le processus de décompte des voix et affirmant qu’il avait « suffisamment de preuves » pour montrer qu’il avait en fait remporté les élections du 9 août, qui se classent parmi les sondages les plus chers d’Afrique.
Bien que le jour du scrutin se soit déroulé dans le calme, les résultats ont déclenché des manifestations de colère dans certains bastions d’Odinga et l’on craint qu’un différend interminable n’aggrave le malaise économique généralisé et ne conduise à la violence dans un pays aux antécédents de troubles post-électoraux.
« Nous avons déjà perdu beaucoup de temps et d’argent, donc si nous retournons aux élections, nous perdrons (encore plus) de temps et de ressources », a déclaré Anne Karanja, vendeuse de fruits à Nairobi, la capitale.
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« J’ai voté mais j’ai l’impression de ne plus pouvoir voter », a-t-elle déclaré à l’AFP, faisant écho à la frustration ressentie par de nombreux Kényans.
Le tribunal examinera si les irrégularités étaient suffisamment importantes pour annuler l’élection, comme ce fut le cas lors du scrutin présidentiel d’août 2017, qu’Odinga a également contesté.
Les juges ont passé les deux dernières semaines à fouiller dans des boîtes de preuves pour déterminer si la technologie utilisée par la commission électorale répondait aux « normes d’intégrité, de vérifiabilité, de sécurité et de transparence ».
Chute économique
Après l’annulation de 2017, la Commission indépendante et des limites électorales a subi de fortes pressions pour qu’elle livre un scrutin propre.
Mais le résultat des élections de cette année a déclenché une rupture au sein même de l’IEBC, quatre de ses sept commissaires accusant le président Wafula Chebukati de diriger un processus « opaque ».
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La pétition de 72 pages d’Odinga allègue que des pirates ont pénétré par effraction dans les serveurs de l’IEBC et ont téléchargé des formulaires de résultats falsifiés. Ses avocats affirment également que Chebukati n’a pas réussi à recueillir environ 140 000 votes.
Chebukati a nié ces allégations, insistant sur le fait qu’il s’acquittait de ses fonctions conformément à la loi du pays malgré les « intimidations et harcèlements ».
Après avoir évalué la transparence du scrutin, le tribunal décidera finalement si Ruto a atteint le seuil constitutionnel de 50 % plus un des suffrages valablement exprimés.
Si les juges ordonnent une annulation, un nouveau vote doit avoir lieu dans les 60 jours, mais la préparation d’une nouvelle élection risque d’être mouvementée.
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Odinga a insisté sur le fait que tout nouveau scrutin doit être supervisé par un nouveau président. L’homme de 77 ans a boycotté la rediffusion ordonnée par le tribunal en 2017, accusant l’IEBC de manquer de crédibilité.
Depuis 2002, aucun résultat de scrutin présidentiel au Kenya n’est resté incontesté, beaucoup craignant qu’un processus électoral prolongé et l’incertitude qui en résulte ne fassent qu’aggraver la crise du coût de la vie dans le pays.
Moses Mungai a déclaré que son entreprise de fleurs – déjà durement touchée par la pandémie de Covid – avait encore pris un coup, les rues de Nairobi étant désertées pendant plusieurs jours après les élections.
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« Les gens ne sont pas sortis de chez eux », a déclaré l’homme de 55 ans, déclarant à l’AFP qu’il s’attendait à ce que des scènes similaires se déroulent après le jugement de lundi.
« Les gens craignent qu’il y ait des escarmouches. Ils fermeront (des magasins) et attendront ensuite que tout aille bien. »
Désillusion
À environ 65 %, le taux de participation a été nettement inférieur à celui des élections d’août 2017, les observateurs affirmant qu’il reflétait une désillusion croissante parmi les citoyens.
Odinga et Ruto – qui a été désigné comme accusé dans l’affaire – ont réuni d’énormes équipes juridiques.
Odinga, qui avait précédemment déclaré avoir été trompé lors des élections de 2007, 2013 et 2017, a défini la bataille juridique comme un combat « pour la démocratie et la bonne gouvernance ».
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Ruto a à son tour exhorté le tribunal à rejeter la pétition, accusant Odinga d’essayer « d’avoir une autre bouchée de la cerise grâce à une reprise forcée par la justice ».
Pendant la campagne électorale, les deux hommes se sont engagés à résoudre tout différend devant les tribunaux plutôt que dans la rue.
Mais les inquiétudes concernant la violence persistent.
Le sondage de 2017 a vu des dizaines de manifestants tués aux mains de la police. La pire violence électorale au Kenya s’est produite après le vote de 2007, lorsque plus de 1 100 personnes sont mortes dans des affrontements à motivation politique impliquant des tribus rivales.
Si le tribunal confirme les résultats, Ruto deviendra le cinquième président du Kenya depuis l’indépendance de la Grande-Bretagne en 1963, prenant les rênes d’un pays aux prises avec l’inflation, un chômage élevé et une sécheresse paralysante.
AFP 2022